La fin des mystères

Publié le par Christine

Hélas, hélas, trois fois hélas… il faut bien le constater, les lectures se suivent et ne se ressemblent pas. Deux livres se battent en duel pour tenter de me séduire. Je les regarde d’un œil morne. Je les lis sans passion. J’en ai presque de la peine pour eux.
Non pas qu’ils soient mal écrits…. Mais je m’ennuie. Qu’est ce que je m’ennuie ! Essayez donc d’apprécier une purée sans sel après avoir savouré un chili bien relevé, avec tout plein de petits piments qui titillent les papilles. Vous trouverez que la purée n’a aucune saveur. Elle est belle, lisse, onctueuse. Mais fade. Voilà ; vous comprenez ce que je peux ressentir.
Pas envie de purée.
Déception.
Il y a des textes avec quelques bonne surprises, mais noyées dans un fatras de n’importe quoi.
Il y en a d’autres comme des amants maladroits. Parfois très touchants. Mais parfois si exaspérants.
J’attends ma prochaine récolte chez le libraire. J’attends de vibrer dès les premiers mots.
J’attends d’être plongée dans une véritable histoire qui me donne envie de tourner les pages et au diable l’heure indue.
Pour patienter, voici un ouvrage atypique, inclassable, un mélange entre fiction, mise en abyme, et incitation à la réflexion. Bref, le genre de livre qui me fait fondre, mais dont il est difficile de transmettre toute la magie en quelques phrases.
Essayons, cependant.
De transmettre la magie….. parce que ne rêvons pas, je ne sais pas me contenter de quelques phrases.
Et je n’en ai pas envie.

La Fin des mystères
Scarlett THOMAS
Anne Carrière ; 489 pages, 23 euros

Ce roman est le quatrième de l’auteur, mais le premier édité en France grâce à son énorme plébiscite en Angleterre, et au bouche-à-oreille qui lui a donné un statut de livre « culte ».
Notre culture cartésienne n’offrant pas la même réceptivité, ce livre a eu du mal à rencontrer le même succès.

Qu'est-ce qui se cache à l'intérieur?
Ariel Manto est une jeune étudiante fauchée faisant une thèse sur les « expériences de pensée ». Fascinée par l’œuvre de l’écrivain Thomas Lumas, elle déniche par hasard dans une brocante un exemplaire de « la fin des mystères », un livre réputé maudit. Curieuse, elle commence à le lire. Ce livre raconte une histoire présentée comme une fiction, l’histoire d’un homme, Mr Y., qui, ayant réalisé puis bu une potion, a pu ainsi se rendre dans un monde qu’il a baptisé « troposphère », un monde qui donne accès à toutes les pensées existantes ou ayant existé. Fascinée, Ariel se met en quête des ingrédients pour concocter cette potion, malgré les mises en garde de ses amis. Commencent alors de bien étranges voyages dans un monde en dehors des limites de la réalité et de la physique connue. Malheureusement, elle n’est pas la seule à vouloir posséder cette formule et elle devra lutter en improvisant avec des moyens qu’il lui faudra inventer.


Résultat de l'enquête :
Un roman atypique, un livre inclassable, entre « Alice au pays des merveilles » et « le cantique des quantiques » (Pharabod/Ortoli), voilà un texte qui a de quoi surprendre au sens le plus agréable du terme. Une expérience de pensée, c’est une façon d’aborder les concepts les plus pointus ou les plus abstraits par le biais de métaphores, d’interrogations. C’est aborder la réalité en faisant fi de toute barrière ou de toute idée reçue. C’est laisser libre cours à la curiosité.
C’est oublier les terminologies habituelles, qu’elles soient scientifiques ou philosophiques, pour raconter de petites histoires afin de décortiquer l’univers. Pour obtenir un modèle simple de représentation.
C’est l’exemple célèbre du chat de Schrödinger.
C’est la phrase célèbre « le battement d’ailes d’un papillon au Brésil peut-il provoquer une tornade au Texas ? »
Ce qui ressemble tout d’abord à une histoire de livre maudit se transforme peu à peu en roman dans le roman, dans lequel le lecteur partage les expériences de pensées d’Ariel. On y trouve un époustouflant partage de réflexions mêlant réel et imaginaire, corpuscules et matière, sciences et littérature.
A la lecture de ce livre, difficile ensuite de considérer « la réalité » de la même innocente et passive façon. La curiosité est aiguisée, la perception différente.
Ici le lecteur entre le domaine de la citation page 11 : non seulement rien n’est bien ni mal, si ce n’est par la pensée, mais rien n’est en soi tant que la pensée ne l’a pas fait exister ».
Je ne sais pas pour vous, mais ce genre de phrase a tendance à m’ouvrir l’appétit.
Avec des mots très simples, avec une trame ludique, l’auteur joue de la métaphore pour introduire le lecteur dans le monde de la physique quantique. Mais pas seulement.
On y parle d’amour, de foi, de l’existence, et de tout ce qu’on considère comme évident alors que, bien sûr, il suffit de prendre du recul pour constater que non.
C’est facile à lire, mais pas toujours ; il faut parfois prendre le temps de se laisser apprivoiser. C’est parfois drôle, et souvent très brillant. La culture, et l’aisance de l’auteur à manier les concepts forcent l’admiration.
Un livre qui stimule les neurones, malin, très bien construit, et dont la fin donne une perspective tout autre lorsqu’on se donne la peine de relire le début. Le lecteur est forcé de faire partie intégrante de l’histoire.
Un grand bravo à la traductrice Mylène de Prémonville (spécialiste de fantasy et de Stephen King, qui n’est pas l’un des plus faciles à traduire)
Bon, restons objective, il y a quelques longueurs, et certains personnages ont un charme, ou une utilité ? auxquels je n’ai pas été sensible. Il y a parfois du burlesque sauce à la menthe mâtiné de Monty Python. Mais l’expérience de lecture vaut les quelques étrangetés trouvées ici ou là.
Le titre traduit perd un peu de sa saveur. En effet, le titre original est « the end of Mr Y. », Mr Y étant le héros du livre maudit et base d’un jeu de mot impossible à traduire.
25 chapitres répartis en 3 parties, typographie peut-être un peu dense ?
Pour lecteur curieux, amateur de gymnastique intellectuelle et de livres un peu déjantés.

Publié dans roman étranger

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